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Métaphysique du Clown

 

Des photos, des centaines, aux bords usés par les nombreuses brassées d'années. Une à part trône sur le bureau, carrée et plus usée que les autres, reflets du passé. Petit enfant, une perruque bouclée sur une tête aussi ronde que les boucles du postiche, un nez couleur fraise sur son nez couleur chair, des pommettes volontairement appuyées d'un maquillage burlesque. Tes souliers, pas encore amenuisés. un manteau d'arlequin s'étire sur tes frêles épaules et finit de recouvrir ton corps. Tu pleures ? Est-ce pour cela que tu te déguises, que tu joues la comédie, derrière les rideaux se terre-t-elle la tristesse ? Les traits de ce bouffon effacent-ils ceux du garçon que tu es ? Triste et maladif ?

Sur cet instantané aux bords noircis, tu dévoiles cet accoutrement, un carnaval de teintes, tes vêtements, le soleil à travers les fenêtres, le reflet du flash dans tes iris. Pourtant, aucune d’elle n’enlève cette larme au coin de ton œil. Que pouvaient voir les gens dans le miroir de tes yeux ? Les bleus sur tes bras expliquent-ils cela ? Prouvent-ils des choses que personne n’a jugé ou même remarqué ? Les coups d’une mère ? La mort d’un père ? ou... le tabou ? Ce qui est dissimulé dans les recoins de la maison et qui sert de verni aux meubles, est-ce là le mystère qui rend humides tes yeux ? Cette armoire dans le fond, renferme-t-elle dans ses rainures : règles, cravaches et autres instruments punitifs ? Ces objets qui écrasaient copieusement de leurs lanières ou de leur acier ton dos, ton visage, ton enfance ? ou...le tabou ?

Petit farceur aux yeux océan, larges et remplis d’amertume, tu dévores le monde comme le monde t’a dévoré. Anthropophage, voici le terme qui désigne ton regard et plus encore, qui te désigne toi, tu es un mangeur d’univers, un mangeur de comètes, de planètes, tu es un mangeur d’imagination. Mais c’est la vie qui t’a croqué à pleines dents, brisé.

Sur cet instantané aux bords roussis, que cache cette fenêtre derrière toi, croisée d’un autre temps aux vitres éméchées ? Elle semble ouvrir sur un champ baigné de lumière dont les arbres, gorgés de chaleur, montent plus haut que le plus haut sommet qu’un arbre puisse atteindre, Pourquoi es tu si pâle ? Est-ce la faute d’une porte trop dure à ouvrir ? Un enfant qui n’aime pas sortir jouer avec les autres enfants ? Timide, solitaire, chétif, maladif, peut-être même, désespéré ? ou...le tabou ? Une table trône derrière toi, là où tu devais manger en famille, mangeais-tu au moins à cette table ? Mangeais-tu avec les autres membres de ta famille ? Riais-tu avec eux aux histoires de tes frères et sœurs dans la plus belle des gaietés ? Ou étais tu dans les pénombres de la salle, dans l’ombre du placard, dans l’ombre des autres ? Allais-tu te coucher au son de l’horloge, ou restais-tu pour faire les taches que les autres ne faisaient pas ? Voyais-tu au moins le soleil se coucher avant de rejoindre ta chambre ? En avais-tu au moins une de chambre ? Sur le sol ? Dehors ? Ce costume a-t-il été ta dernière prison ? Ton dernier supplice ? Cette photographie, morceau de passé gris disparate, du charbon jeté au feu où le secret devait à jamais disparaître. Et toi, vis-tu encore avec ces lourdes marques ? Vis tu au moins encore ? As-tu oublié ?...t’as-t-on oublié ?

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Feu d’artifice

 

Nuées ardentes au parfum d’oiseau

qui, dans son envol, une à une,

perd ses ailes en une corde de plume

et, sur mon peuple, tombe en rameaux.

 

Nuées ardentes au parfum d’explosif,

s’étalent sur la ville et creusent les murs.

Folie de lanceurs terrés tels de murmures

déchirent le ciel en un tiraillement incisif.

 

Gueule d’acier lardant nos face,

dans une déjection de feu et de poussière

abat ma femme, mon enfant et mes frères

et laisse sur le sol nos fumantes carcasses.

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Quand les éclats seront tombés sur le ciment,

richesse sourira aux assassins de mon pays

essuyez la, lavez la bien, faites qu’elle luise

car le sang de mon peuple en souillera les diamants.

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La Chamane

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Il y avait, dans la rue pavée

une gamine jouant du tambour.

De cette chanson s’échappaient les prés

et de l’instrument, l’âme du troubadour.

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Les vibrations de la chamane en éveil

causaient la fuite de toute population.

triste, seule et pauvre, messagère du soleil,

abandonnée à ses contemplations.

 

Et dans l’Azur battait l’univers

vint-il à elle, toujours plus immense

et, de ses bras de poussières éphémères,

l’emporta au-delà de la science.

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Sur la cité s’étendaient les planètes,

elle au dessus contemplait sa ville,

passant, glissant, au dessus des comètes

et vit dans le ciel un lointain asile

 

Sur les pulsations de la peau tendue

dansaient les roches vers la planète bleue

en sillons violents à perte de vue,

et s’élancèrent vers le sol terreux

 

Les grattes-ciels s’effondrèrent sous leur poids

en dantesques vacarmes de briques,

roches et ciments s’entrechoquèrent d’effroi,

roulèrent lourds en blizzard tellurique

 

Le sable recouvrit peu à peu la terre,

une pluie de grains sur la mer en transe,

chauds sacrifices d’éternels déserts,

roulèrent par terre en insondables semences

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De cette toundra jaillit végétations,

robe verte sur nylon de sable,

joyaux d’argent de faune en action,

barrette ornée des plus belles fables

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Il y avait à cette grande veillée

une gamine jouant du tambours

de sa chanson se sont échappés les prés

et, de l’instrument, l’âme du troubadour

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Le vent du Nord

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le Vent du Nord vint à souffler

et se briser sur les rochers.

Il emporta sur ces rivages

les folles pensées et les mirages.

 

Sur ces longues berges le Vent du Nord

En mille morceaux trouva la mort.

Baignée son âme par les hautes vagues

fendant les cieux en une vraie dague.

 

En Vent du Nord, il a soufflé

En Vent du Nord, il a cédé

Toute la nuit, le ciel d'Hiver

lui a rendu l'Hommage des airs

 

Un Chant appelé « Le Vent du Nord »

pour conter la vie du trésor

qui soufflait, givrait, grimpait tout

autour des monts, autours des loups

 

qui de longs cris le glorifiaient

le Vent du Nord ont-il appelé

pour rassembler toutes les meutes

et faire de tous les grands choreutes

 

qui crieront à leur tour la belle légende

de celui qui rasait les landes,

qui trouvait dans la mer et l’océan

beauté des vagues et des torrents.

 

Ils uniront dans un même chant

Colère des flots et ravissements

la terre des Hommes et animaux

Gaïa, la faune et les troupeaux.

 

Toutes ces voix en un typhon

une même tornade, un tourbillon

feront tourner astres et nuages

grandes pluies, grands vents et les orages

 

Le Vent du Nord apparaîtra

des flots où jadis il plongea

et en grand roi prendra sa place

dans le royaume d’eau et de glace

 

Sur le monde étendra ses ailes

ailes cristallines et éternelles

et répandra sur nos visages

la douce pluie des longs voyages

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Cadran solaire

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C’est l’Histoire d’une vie

qui s’en fout et qui s’ennuie

qui ne fait que repasser

qui ne fait que retourner

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C’est l’histoire d’une pendule

dont le cadran est molécules

qui s’assemblent en un cycle

qui se répète et qui s’agite

 

qui éclate, démoniaque, supernova en formation

qui explose, décompose tout ce qu’il y a à l’Horizon

qui y brûle tant de lunes, tant de titans de crépuscule

tant de sphères, tant de globules, métastases de cellules

 

les étoiles, filant, grimpant, sur le dos figé serpentent

de soleils en éveils à naines rouges flamboyantes

plongent en mille serpents de feu à l’allure de feu de dieu

vestiges perdus et oubliés des entrailles, ruines des cieux

 

mécanismes et aiguilles, restent figés, silence immonde

un pied dans l’ombre, l’autre dans le monde, néant d’une matière féconde

plus personne pour remonter l’Horloge, être du passé

la maison vide, délaissée, pendule muette à jamais

 

dans ce bois, tas de poussière

ont disparu les êtres stellaires

abandonnée dans cette maison

supernova en perdition.

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Shakespeare

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Déverse dans mon âme un soupçon de chaleur,

une magie qui traverse la chair et les os,

dans les moindres recoins, montre moi, conteur

la puissance de tes mots.

 

Du lutin à l’empereur, du prince au paysan,

décris moi le monde, ses richesses et ses déboires,

emmène moi des montagnes aux océans,

je suis aveugle, permets moi de voir.

 

Fais moi sentir l’odeur des pins dans la fraîcheur,

la moisissure des caves et des tombeaux,

le parfum sucré des jardins de fleurs,

jardin public et jardin secret de tes maux.

 

Glaneur d’émotions, dépose en moi la tristesse,

tragédie lyrique aux senteurs de désespoir,

glaneur d’émotions, dépose comédie et allégresse,

le monde est fou, sois en le miroir.

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L’Hiver

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C’est l’Hiver, tout se perd

les dernières fleurs sont tombées à terre,

tant de force, tant de faiblesse

dans ces pétales de tristesse

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C’est le soir, dans le manoir

déserté est le territoire,

tant de forces, tant de faiblesse

dans les murs de la forteresse

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Le givre prend, le ciel répand

sur le sol de ciment

tant de forces, tant de tristesse

dans le jardin de la comtesse

 

A l’aurore, la rosée,

prend dans ses bras ces êtres aimés

et déversent sur leur messe

la plus douce des caresses.

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