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Mon Doudou


 

Après tout ce que tu m'as apporté

on voudrait que je te jette

alors qu'en moi tu as enfanté

de millions de rêves et de comètes


 

Après tout ce que tu m'as apporté

alors que j'étais marmot

Automne, Hiver, Printemps, Eté

tu as soigné bien des maux.


 

Quand j'étais petit

sans savoir comment tu t'y prenais

quand mes pleurs déchiraient la nuit

tu savais les apaiser


 

Quand l'orage déformait mon visage

tel un modeleur de statue de cire

ou encore tel un mage

tu savais le reconstruire

 

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Le hurlement du silence


 

Le cri silencieux de sa pioche

Plus puissant que les hurlements,

Loin de son pays, loin de ses proches

Il erre, endolori, la face au vent.


 

La poussière brûlant sa peau

Pourrit son visage blafard

Le poids des briques meurtrit son dos

Et jamais il ne peut s’asseoir.


 

Le soir il rentre et voit écœuré

Son maître, tenant dans sa main

L’argent qu’il lui a fait gagner.

Il y retournera le lendemain.


 

La pioche fait la taille du moutard

Tantôt au dessus de sa tête

Tantôt plongeant tel un dard

Dans le sol aride et sec.

 

 

 

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Le bois aux poupées décharnées


 

Petite, dans cette forêt feuillue

Aux arbres géants à perte de vue,

Tu pourras t’y aventurer, timide !

Mais prends garde aux prédateurs perfides,

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Ces saloperies de rats assoiffés

Dans une course à la virginité.

Tu as raison de les craindre petite,

Tu en as déjà rencontré petite !
 

Mais cette douceur du père ordurier,

Trahison, trahison à tout jamais.

La souffrance, l’humiliation, le sang,

Ses doigts te pénétrant parfois sanglants.
 

Câlineries qui finissent au couteau,

Ce qui reste de toi, crois-moi, n’est pas très beau.

Cicatrices de tes premières fois

Au moment où ton père t’empoigna

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Pour t’enlever l’idée de liberté

S’effondrant dans ta tête crevassée.

Ces souvenirs en toi restent gravés

Petite fleur au pistil convoité.
 

Le temple de ta fleur charnelle

Butinée par l’abeille paternelle.

La malédiction des malédictions

Et qui te conduira dans les bas-fond.

​

Petite fille perdue dans les bois

Petite fille, prends garde à toi,

Dans l’obscurité ininterrompue,

Lapins et charognards sont confondus.

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La course aux étoiles


 

La mère court dans la grande cité,

Suivie de près par le petit Timothée.

Marchant sur sa robe moisie par la misère,

Il voit du sang poissant les lambeaux de sa mère.


 

Il court, trébuche, se relève à quatre pattes

Pour éviter que les carnassiers ne l’abattent.

Il regarde sa mère qui lui tend la main

Les soldats n’y  toucheront pas, c’est son gamin


 

Elle l’étreint et espère bien le protéger.

Elle sent son fils Timothée pleurer et trembler.

Elle l’entend pleurer et voit les fleurs qui se fanent

Il tremble, le canon contre son petit crâne.


 

Lui sent le fusil glisser vers son dos brisé

Elle entend son cri et voit son dos se transpercer.

Le petit corps immobile poissé de sang,

Elle essaye en vain d’arrêter l’écoulement

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Elle arrache de son petit torse troué

Une étoile jaune que le sang a poissé.

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Terreur nocturne


 

Je sais qu’il est là, tapi dans le noir,

Je sais qu’il vit ici, tapi dans la nuit,

Je sais qu’il vient me voir, tapi avec espoir

Je sais qu’il m’a suivi, tapi dans la suie,

Mais moi, je sais quoi faire, tapi dans la terre,

Tapi dans mon lit, j’allume la lumière.

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Dors, petit marin


 

Le regard léger et le sang frais,

Il reste là, calme, c’est chez lui

Dans un carton contre son gré

Le vent froisse sa peau, il crie


 

Le lendemain, allongé

Occupé à regarder le sol

Son sang, n’est plus frais mais pétrifié

Tandis que la glace l’immole


 

Le petit s’accroche à la vie

Mais sans parents, il dérive

Sur le sol lamentablement, il gît

Personne ne désirait qu’il vive


 

Avant-hier petit homme, tendrement installé

Tu me disais « plus tard, je serai marin! »

Petit marin tu dérives sans moi pour t’accompagner

Tu as succombé au destin et à la faim

Ne t’inquiète pas, pauvre petite chose

Bien que la vie te fasse défaut

Bien qu’au paradis, la mort te dépose

Au moins, là bas, tu auras chaud

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